Publié le 16 avril 2021
Par: Stéphanie Tremblay
« Oui je le veux » qu’est-ce que ça implique ?
Évidemment, lorsque les gens se marient, c’est avec la conviction que ce sera pour la vie alors, ils ne pensent pas nécessairement aux implications financières qui viennent avec le fameux « Oui je le veux ».
Par contre, certains mariages se solderont malheureusement par un divorce.
Lorsque nos clients viennent nous rencontrer au moment d’une séparation ou d’un divorce, certains sont surpris d’apprendre qu’ils doivent partager leurs biens avec leur époux ou leur épouse. Certains autres se demandent s’ils doivent partager des actions détenues dans une compagnie, des immeubles à revenus, leur fonds de pension ou des investissements accumulés durant le mariage avec leur époux ou leur épouse.
Nous croyons donc qu’il est important que tous puissent comprendre les impacts financiers du mariage et ce que cela peut impliquer en cas de divorce éventuel.
La liberté de tester est un principe bien connu en droit québécois depuis 1774 et ce principe est respecté et appliqué par les tribunaux. En effet, le droit québécois reconnaît le droit au testateur de décider entièrement de la dévolution de ses biens, c’est-à-dire, de la manière dont il souhaite le faire ainsi que du choix de ses héritiers, quels qu’ils soient. Ainsi, ce n’est que dans certains cas spécifiques que les tribunaux accepteront d’intervenir et d’invalider le testament d’un défunt.
Nous abordons donc ci-dessous les principes généraux applicables.
Le patrimoine familial
La valeur des biens qui font partie du patrimoine familial sera partagée en cas de divorce, peu importe au nom de quel époux ils sont enregistrés, et de façon générale, sans égard à qui en a assumé les coûts.
Qu’est-ce que le patrimoine familial?
Le patrimoine familial est composé :
- des résidences de la famille, incluant les résidences secondaires qui servent à l’usage de la famille, et des meubles qui les garnissent ;
- des véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille;
- des régimes de retraite et des droits accumulés en application de la Loi sur le régime de rentes du Québec ou de programmes équivalents (1).
Il y a toutefois quelques exceptions. Les biens du patrimoine familial détenus au moment du mariage peuvent donner droit à une déduction dans la valeur partageable du patrimoine familial. De plus, les biens reçus par l’un des époux, par succession ou donation, avant ou pendant le mariage, seront exclus du patrimoine familial en cas de divorce.
Le patrimoine familial s’applique à tous les époux qui sont domiciliés au Québec au moment de la séparation, peu importe le régime matrimonial qui trouve application dans leur situation, puis, il n’est pas possible pour les époux de renoncer à l’avance à la constitution d’un patrimoine familial.
Le régime matrimonial
Le régime matrimonial établit, entre autres, comment les autres biens, ceux qui ne font pas partie du patrimoine familial, seront partagés en cas de divorce.
Regardons quels sont les divers régimes matrimoniaux qui peuvent être choisis par les époux au Québec, lequel s’applique à vous et comment choisir un régime différent que le régime par défaut.
A. Les divers régimes matrimoniaux
(i) Le régime matrimonial de la société d’acquêts
Ce régime prévoit le partage des biens acquêts accumulés durant le mariage en cas de divorce.
Que sont les acquêts?
Les acquêts sont composés du produit de votre travail durant le mariage, des biens achetés avec ce produit, ainsi que des fruits et revenus générés pendant le mariage par tous vos biens, propres ou acquêts (2);
Les biens suivants, quant à eux, sont qualifiés de biens propres et ne sont pas partageables en cas de divorce :
- Les biens dont vous étiez déjà propriétaire avant le mariage;
- Les biens reçus par succession ou donation pendant le mariage, et, si le testateur ou le donateur l’a prévu, les fruits et revenus qui en proviennent;
- Les biens acquis en remplacement d’un bien propre de même que les indemnités d’assurance qui s’y rattachent;
- Les droits ou avantages qui vous sont accordés en vertu d’un contrat, d’un régime de retraite ou d’une rente ou d’une assurance de personnes;
- Vos vêtements, papiers personnels, alliances, décorations et diplômes;
- Vos instruments de travail nécessaires à l’exercice de votre profession, sauf récompense s’il y a lieu. (3)
Tous les biens sont présumés être des acquêts. Il appartiendra à l’époux qui veut faire qualifier un bien de propre d’en faire la preuve en cas de divorce.
(ii) Le régime matrimonial de la séparation de biens
Les époux mariés sous le régime matrimonial de la séparation de biens conservent les biens enregistrés en leur nom respectif en cas de divorce, à l’exception des biens faisant partie du patrimoine familial.
(iii) Un régime matrimonial sui generis
Les époux peuvent également choisir un régime matrimonial sui generis, c’est-à-dire un régime qui est, en quelque sorte, fait sur mesure pour répondre aux besoins et désirs particuliers des futurs époux quant au partage de leurs biens en cas de divorce.
Les époux peuvent ainsi choisir de partager certains biens en cas de divorce et de ne pas en partager certains autres.
B. Quel régime matrimonial s’applique à vous?
Le régime matrimonial qui s’applique par défaut au Québec depuis le 1er juillet 1970 est le régime matrimonial de la société d’acquêts (voir (i)).
Donc, si vous vous mariez sans signer un contrat de mariage devant un notaire alors que vous êtes tous deux domiciliés au Québec, le régime matrimonial qui s’appliquera à vous est le régime de la société d’acquêts et vos biens seront partageables avec votre époux ou votre épouse en cas de divorce, à l’exception des biens qui peuvent être qualifiés de biens propres, lesquels sont décrits ci-haut.
C. Comment choisir un régime différent que le régime matrimonial par défaut?
Il est possible pour les époux de choisir un régime matrimonial autre que celui de la société d’acquêts, en signant un contrat de mariage devant notaire.
Il est important de savoir que peu importe le régime matrimonial choisi, il n’est pas possible, par contrat de mariage, de renoncer à l’avance au partage de la valeur des biens qui feront partie du patrimoine familial au moment de la rupture.
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Conclusion
Les gens se questionnent parfois sur les règles entourant le patrimoine familial et celles en lien avec le régime matrimonial. Ils nous diront, entre autres, qu’ils ne savaient pas qu’ils devaient partager les biens qui ne font pas partie du patrimoine familial en cas de divorce.
Nous jugeons important que tous puissent être informés des règles de base qui entourent le mariage.
Après avoir pris connaissance de ce texte, vous saurez maintenant que :
- le patrimoine familial s’applique à tous les époux domiciliés au Québec et les biens qui en font partie seront partageables en cas de divorce, peu importe le régime matrimonial applicable;
- les autres biens, ceux qui ne font pas partie du patrimoine familial, seront traités en fonction du régime matrimonial qui s’applique aux époux;
Il est à noter que le mariage fait également naître d’autres droits, tels le droit à une pension alimentaire pour ex-époux ou le droit à une prestation compensatoire, si les circonstances le justifient. Nous aborderons ces sujets dans nos publications subséquentes.
Nous espérons que cette publication vous aura éclairé quant aux implications du mariage sur le partage de vos biens en cas de rupture.
Références
(1) Section 418 du Code civil du Québec
(2) Section 449 du Code civil du Québec
(3) Section 450 du Code civil du Québec